Le nouveau livre de la collection Radical America aux éditions Syllepse, "All power to the people - Textes et discours des Black Panthers" sortira le 19 mai 2016.
L’expérience brève et fulgurante du Black Panther Party, fondé en 1966, a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de la libération noire. La répression brutale et impitoyable dont il a été la victime a été à la mesure de la peur qu’il a semé dans l’establishment américain et des espoirs qu’il a soulevé parmi les Noirs américains.
Ce recueil nous permet de (re)découvrir comment les Panthères ont pris à bras le corps la lutte contre la police raciste et la suprématie blanche et pour l’autodétermination, en mettant en oeuvre des programmes de développement et d’autodéfense de leurs communautés, programmes qui ont constitué une manière directe et concrète de construire l’autonomie et l’autodétermination : le pouvoir noir.
De son ascension sur les cendres des révoltes urbaines des années 1960 à la Black Liberation Army, ce recueil nous replonge dans la vie d’un mouvement dont la mémoire a résisté aux balles et aux murs des prisons qui ont décimé ses rangs.
Des textes qui nous font revivre cette tentative d’« organiser la rage » des opprimés de l’Amérikkke.
Voici deux textes extraits du livre :
Pourquoi Denzil Dowell a-t-il été tué ?
« Je crois que la police a tué mon fils », a dit la mère de Denzil Dowell. Frères et sœurs de la communauté de Richmond, voici la version de la famille sur la mort de Denzil Dowell, telle qu’elle a été établie par le Black Panther Party for Self-Defense, des citoyens préoccupés et la famille Dowell elle-même. Comme vous le savez, le 1er avril 1967, Denzil Dowell (22 ans) a été abattu par un « officier du département du shérif Martinez ».
Mais un trop grand nombre des questions que pose la famille Dowell et des voisins de la communauté de North Richmond restent sans réponse. Des questions qui créent encore davantage de frustration quant à la mort de Denzil. La police de Richmond, le département du shérif Martinez et l’Independent de Richmond voudraient nous faire croire, à nous les Noirs, le contraire de ce que Mme Dowell avance ; à savoir que son fils a été tué « sans justification1 » par un flic raciste.
Un trop grand nombre d’éléments troubles confortent le point de vue de la famille. Ces faits sont les suivants :
1. Denzil Dowell n’était pas armé. Dès lors, comment six balles peuvent-elles constituer un « homicide justifié » ?
2. Pourquoi les journaux et la police prétendent-ils que trois coups de feu ont été tirés, alors que selon le rapport du légiste et des témoignages de voisins on en a tiré six à dix ?
3. La police et les journaux affirment que les coups de feu ont été tirés entre 4 h 49 et 5 h 01. Pourtant, la sœur de Denzil Dowell et des voisins affirment avoir entendu des coups de feu à 3 h 50.
4. Seule la police de Richmond a d’abord été aperçue sur les lieux. Les hommes de Martinez n’ont fait leur apparition que plus tard, vers 4 h 50, à l’endroit où Denzil Dowell a été tué.
5. La police déclare que Denzil Dowell était en train de courir, qu’il avait sauté par-dessus une palissade et s’apprêtait à sauter par-dessus une autre quand il a été abattu. Or, la famille Dowell sait que Denzil avait été blessé à la hanche dans un accident de voiture quelque temps auparavant et qu’après sa sortie de l’hôpital il ne pouvait pratiquement plus courir et encore moins sauter par-dessus deux palissades un marteau à la main.
6. Le terrain situé entre les deux palissades que Denzil est censé avoir traversé en courant est une ancienne casse automobile pleine de graisse et d’huile. Comment se fait-il qu’on n’ait pas trouvé d’huile sur ses chaussures ?
7. Le légiste déclare que Denzil Dowell est mort en se vidant de son sang. Où donc était ce sang à l’endroit où on a retrouvé Denzil ? La sœur de Denzil qui se souvient très bien de cette nuit-là dit qu’elle n’a vu que très peu de sang ; elle dit qu’elle n’a jamais vu de mare de sang bien que le légiste déclare qu’il se serait vidé de son sang après avoir reçu dix balles.
8. Le corps de Denzil Dowell a été découvert par son frère et un ami qui ont constaté que la police n’a pas fait venir de médecin et n’a rien tenté pour le sauver.
9. On a refusé de rendre à la famille de Denzil les vêtements qu’il portait la nuit de son meurtre, et même qu’elle les voit. La famille veut ces vêtements pour relever le nombre d’impact de balles. C’est pour la même raison qu’on lui a interdit de photographier le corps.
10. Les journaux ont évoqué une qualification d’« homicide justifié » deux heures avant que le jury ne rende son verdict. Le président du jury ne savait pas lire. Un jury partial composé de dix Blancs et deux « Nègres » a protégé le flic raciste qui a tué Denzil Dowell.
11. La famille Dowell attire également l’attention sur un fait important. Le flic qui a abattu Denzil Dowell connaissait son nom et l’avait souvent interpellé en gueulant : « Denzil Dowell, tes papiers. » Ce flic l’avait également menacé de mort.
La famille Dowell et des citoyens solidaires ont demandé l’ouverture d’une enquête par un grand jury et ils exigent que les forces de l’ordre mettent un terme à leur politique consistant à tuer pour des questions de propriété privée.
Le 18 avril, un groupe de citoyens est allé discuter de cette demande avec le shérif Young du département du shérif Martinez. Ils sont énuméré les zones d’ombre dans cette affaire et ont demandé que l’officier qui a reconnu avoir tiré soit suspendu de ses fonctions pendant la durée de l’enquête. Le shérif a rejeté notre demande et nous considérons que c’est là une marque de mépris raciste envers une demande raisonnable de contribuables noirs et de citoyens soucieux de la survie du peuple noir.
Sur la violence
Soyons parfaitement clairs : nous ne revendiquons pas le droit à exercer une violence indiscriminée. Nous ne cherchons pas à provoquer des bains de sang. Nous ne sommes pas là pour tuer des Blancs. Au contraire, ce sont les flics qui revendiquent le droit à la violence indiscriminée et qui la pratiquent quotidiennement. Ce sont les flics les responsables de ce bain de sang noir, les flics qui semblent résolus à tuer des Noirs. Mais aujourd’hui, les Noirs disent : « Au nom de l’humanité, arrêtez ! Vous ne ferez plus la guerre à une population désarmée. Vous ne tuerez pas un Noir de plus, vous ne rôderez plus dans les rues de la communauté noire pour vous en vanter et ricaner au visage des proches sans défense de vos victimes. Désormais, si vous tuez un Noir dans cette Babylone des Babylones, vous feriez mieux de tout abandonner parce qu’on vous chopera et même Dieu ne pourra pas vous cacher. »
Nous demandons au peuple de se joindre aux initiatives en soutien au ministre de la défense, Huey P. Newton. Nous en appelons aux Noirs et aux Blancs qui veulent voir se lever dans ce pays l’aube d’une nouvelle histoire ; nous en appelons à ceux qui veulent que le sang cesse de couler ; à ceux qui veulent éviter qu’une guerre ait lieu dans ce pays ; à ceux qui veulent mettre fin à la guerre en cours dans ce pays ; nous les appelons tous à crier à leur tour : « Libérez Huey ! »
Comme tous les révolutionnaires marxistes, le Black Panther Party soutient que la seule réponse à la violence de la classe dirigeante est la violence révolutionnaire du peuple. Pour le Black Panther Party cette vérité n’est pas un truisme marxiste-léniniste, indéterminé et mécaniste, mais un postulat essentiel pour comprendre l’oppression coloniale du peuple noir dans le cœur de l’impérialisme où la classe dirigeante blanche, par l’entremise de ses forces policières d’occupation, ses agents et ses trafiquants de drogue, a institutionnalisé la terreur contre la communauté noire. La stratégie révolutionnaire pour le peuple noir en Amérique commence par le geste défensif de prendre un flingue ; voilà la condition pour mettre fin au règne de terreur que les porcs exercent par le flingue. Des Noirs qui s’arment de flingues pour se défendre, voilà en Amérique la seule base pour lancer une offensive révolutionnaire contre le pouvoir d’État impérialiste.